On entame cette Semaine Européenne de Réduction des Déchets sur le thème des déchets cachés avec une manne qui déborde : le linge sale de l’industrie textile! Cette année, l'Europe consacre sa semaine de réflexion et de sensibilisation sur les déboires de nos consommations à nos chers bouts de tissu, chiffon, étoffe qui, d'apparence légère et douce, pèsent pourtant lourd dans la balance du capitalisme ravageur. Tour d'horizon du chemin sinueux parcouru par nos vêtements.

Fibres naturelles vs fibres synthétiques

En termes de déchets cachés, l’industrie textile bat tous les records. Les t-shirts et autres jeans bien rangés dans nos rayons dissimulent un lourd passé de production, comme en témoigne cette courte présentation du journaliste Jamy Gourmaud sur l'itinéraire d'un jean.

Avant les années 60, les fibres naturelles faisaient la part belle aux fibres synthétiques à l'époque encore très peu utilisées. Après 1960, les fibres

synthétiques s'imposent sur le marché atteignant au début du 21ème siècle les 60% d'utilisation, contre seulement 5% dans les années 60. La raison ? Elle est essentiellement économique.

Si les fibres naturelles sont de bien meilleure qualité que les fibres

synthétiques, elles ont elles aussi laissé et laisse encore une empreinte bien marquée sous nos pieds depuis que l'industrialisation fait la loi.

Puiser jusqu'à l'épuisement

Tout est bon dans le coton ?

Prenons l'exemple du coton, de moins en moins vaillant, celui-ci est toujours plus dépendant des pesticides pour assurer une production industrielle massive. C'est en tout cas le cas du coton américain ou chinois, génétiquement modifié ; depuis l'arrivée de la fast-fashion, il faut toujours plus, en moins de temps et le coton, lui, pris dans l'engrenage, a de moins en moins de résistance. On le gave de pesticides et d'engrais pour accélérer sa croissance et sa production. De plus, celui-ci poussant sur des sols parfois épuisés, il demande de grandes quantités d'eau supplémentaire pour vivre sa vie de petit coton assoiffé.  Et la plante n'est pas facile : elle veut rayonner sous le soleil tout en se pavanant sous la pluie. Les conditions climatiques n'étant pas toujours réunies, les exploitants doivent irriguer les plants. Ainsi plus de 40% des terres cotonnières sont irriguées. Pas étonnant donc que l’on détourne des rivières, on assèche des mers et on pompe les nappes phréatiques en Chine, en Ouzbékistan, aux Etats-Unis ou en Inde

Et les cultures biologiques ?

Le coton biologique, quant à lui, laisse entrevoir des jours meilleurs, même si sa production reste peu signifiante à l'échelle mondiale. La culture du coton bio se fait une place sous le soleil africain où subsiste une agriculture familiale, utilisant peu d'eau, aucun pesticide et dont la récolte se fait manuellement. Une pratique qui ne fait pas le poids face aux géants de la mécanisation, limitant au minimum le recours à la main d'oeuvre.

Les rois du pétrole

La dépendance au pétrole de nos vêtements ne se limite pas aux pesticides puisque les fibres synthétiques, issues des produits pétroliers, comme l’élasthanne ou le polyester, sont encore plus utilisées que le coton. Moins chères et plus faciles à entretenir, elles constituent presque 70% de la production mondiale de fibres textiles [2]. Quand on sait qu’il faut environ 1,5 kg de pétrole pour produire 1 kg de polyester sans compter les substances chimiques nécessaires à sa transformation, on peut en déduire que le polyester est tout sauf une matière éthique.

En outre, une ribambelle de produits chimiques toxiques et polluants sont utilisés dans les usines de textiles. Cadmium, cuivre, chrome, eau de javel ou mercure servent pour les teintures, les effets “délavés”, l’assouplissement, le tannage de nos vêtements… puis sont relâchés dans la nature. Le traitement des eaux usées n’est malheureusement pas contrôlé dans tous les pays producteurs de textiles. L’impact est désastreux sur la faune, la flore et la santé des travailleurs de ces régions [3].

Quand on achète un nouveau vêtement, consommer local est très compliqué. La marchandise provient du bout du monde, produite même dans différents pays selon l’étape de fabrication. Au niveau du transport, nos textiles participent donc encore à l’épuisement des ressources et aux dérèglements environnementaux.

"Passer nos amours à la machine, les faire bouillir et voir que les microparticules d'origine peuvent détruire"

Microplastiques : conséquences sur nos océans - infographie

Et les problèmes se poursuivent après l’achat. Tout d'abord, le lavage en machine de nos acquisitions se révèlent bien plus polluant qu'il n'y paraît. En effet, quand on fait tourbillonner à la vitesse grand V nos tenues en polyester, nylon ou acrylique, se déversent dans l'eau des quantités astronomiques de microparticules de plastique, comme le démontre cette infographie [8]. Ces microparticules finissent dans l'océan. Une récente étude a démontré que dans un échantillon d'eau de mer, on trouvait davantage de microparticules que de PET. Bien qu’invisibles à l’œil nu, c’est l’équivalent de pas moins de 50 milliards de bouteilles plastiques qui terminent chaque année dans les océans à cause des vêtements synthétiques.

Aussitôt porté, aussitôt jeté

Ensuite, vient l'étape ultime ; la fast fashion étant la mode du jetable, cela implique des millions de tonnes de déchets textiles qui sont produits et qui s’accumulent tous les ans, les débouchées de recyclage étant encore trop peu développées. Jeter stimule la production de nouveaux vêtements, empirant les externalités environnementales qui y sont liées. On entre ainsi dans un cercle vicieux qu’il est grand temps de ralentir voire urgent de stopper.

Des solutions simples existent

Tout l’enjeu pour éviter les déchets cachés du secteur textile réside dans la minimisation absolue de l’achat neuf, ou en d’autres mots, dans la maximisation de l’utilisation des pièces déjà existantes.

1. Adoptez le réflexe de la seconde main.

Pas d’excuse, vintage ou non, de nombreux magasins de seconde main existent en Belgique [4]. Les échanges entre amis, sous forme de vide-dressing, de bourses d’échange sont aussi des occasions de renouveler notre garde-robe à moindre impact, et à moindre prix.

2. Louez vos vêtements

Ces services innovants se développent, et pas uniquement pour les déguisements. Chez Coucou shop par exemple, on peut louer une robe ou une tenue d’occasion sans devoir l’acheter ni s’encombrer.

3. Réparer, recoudre, réutiliser

L’allongement de la vie de nos biens passe également par la réparation. Que ce soit fait maison ou par un professionnel, rapiécer une chemise, recoudre un bouton ou recoller une semelle sont de petits gestes qui ont pourtant tout leur sens et toute leur importance.

4. Penser aux entreprises d'économie sociale

Et si, vraiment, jeter un vêtement est la dernière alternative, des points de collecte ou d’apport volontaire sont disponibles partout en Belgique [6]. Les associations qui récupèrent les dons travaillent à revaloriser ces derniers par la revente, le recyclage ou l’upcycling. Mais comme le précise une employée de l'asbl "Les Petits Riens" lors d'une visite du Centre de Tri à Anderlecht : "Les gens ne le savent pas, mais tous les vêtements vendus à 1, 2, 3 euros par la chaîne Primark par exemple et déposés dans nos bulles à vêtements constituent des déchets pour nous. Nous ne pouvons les valoriser, tellement la composition est mauvaise. Ce sont des vêtements "en plastique". Nous voulons assurer une certaine qualité pour la revente dans nos boutiques de seconde main. Même le recyclage de ces matières est pratiquement impossible. Ceux-ci partent malheureusement à la poubelle."

On se retrousse les manches et on essaye la slow fashion ?

5. Le cas Vinted : une solution ?

On peut lire sur le site de Reporterre , [5] qui consacre un article à l'impact de ce site de revente de vêtements de seconde main, une intervention de Stéphanie Calvino, fondatrice de la plateforme d’expression Anti_fashion, dédiée à l’invention d’une économie plus responsable; « Vinted, c’est une fast fashion des vêtements de seconde main, explique-t'elle,  On perd le cachet, l’essence même de la fripe : chercher, fouiller, toucher, essayer pour trouver LA pièce qui nous convient. Au contraire, Vinted pousse à l’achat et la vente frénétique sans respect de la matière, de façon totalement dématérialisée et inonde les utilisateurs de publicité. C’est l’Amazon du vêtement de seconde main. »

De plus,  l'achat en ligne met en évidence un autre problème majeur : l'envoi postal en continu de vêtements à travers l'Europe. Élodie Juge, ingénieure recherche pour la chair Trend(s), à l’université de Lille, analyse depuis 2013 le comportement des pratiquantes les plus assidues de Vinted et souligne : « On a du mal a avoir des chiffres, mais on imagine bien qu’avec deux articles vendus à la seconde sur Vinted, il doit y avoir un nombre considérable de colis individuels qui transitent sur les routes de France. C’est toujours plus de vêtements, mais aussi toujours plus de kilomètres de transport », poursuit Élodie Juge.

6. S'informer sur la composition des matières

Si vraiment l’achat neuf est inévitable, des labels environnementaux et sociaux peuvent guider le choix d’une nouvelle acquisition [6]. On peut privilégier le coton biologique, les fibres recyclées mais aussi les fibres moins gourmandes en eau, en pesticides et produites plus localement, comme le lin ou le chanvre.

7. Mettre sa machine en veille

« Quand vous faites une lessive, vous pouvez réduire l'impact par quelques gestes: 30 °C maximum, lessive liquide plutôt que poudre qui a un effet gommage, pas de sèche-linge », explique Laura Diaz Sanchez, de la Plastic Soup Foundation. dans un article de FuturaSciences.  Elle ajoute qu'on lave beaucoup trop nos vêtements, appelant aussi à moins acheter.

S'il n'y a avait qu'une phrase à retenir de cet article, ça serait certainement la dernière. Vous l'aurez compris, l'industrie textile est loin d'être jolie-jolie. Alors, face à ce constat alarmant, qu'est-ce que l'on peut faire ? ACHETONS MOINS, mais MIEUX !

 

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Sources :

[1]: Revers de mon look, ADEME
https://www.ademe.fr/revers-look

[2] : Pourquoi s’habiller pollue la planète ?, Le Monde https://www.youtube.com/watch?v=3DdU7c66E9g&feature=youtu.be

[3]: Destination zéro : impacts de sept ans de campagne Détox sur l’industrie du vêtement, Greenpeace
https://cdn.greenpeace.fr/site/uploads/2018/07/R%C3%A9sum%C3%A9-Detox-2018.pdf?_ga=2.92579997.1248404837.1531301779-1989101024.1530001735*

[4]: https://petitsriens.be/boutiques/, http://moinsdedechets.wallonie.be/de/node/102

[5]: https://reporterre.net/S-habiller-ecolo-Pas-sur-Vinted

[6]: https://www.textile.fr/labels-et-certifications

[7] https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/ocean-microplastiques-nos-vetements-polluent-oceans-36375/

[8] https://fr.boell.org/fr/2020/02/05/le-plastique-menace-pour-le-climat

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